Un nouvel album de Earth
c’est toujours un évènement. D’abord parce que ça n’arrive pas tous les ans, et
surtout parce que c’est souvent le gage de quelque chose d’unique, tant est
personnelle et profonde l’œuvre de Monsieur Dylan Carlson (j’insiste sur le
« Monsieur »… si si, j’y tiens). Mais là, je ne vais pas vous mener
en bateau, l’arrivée annoncée de ce Primitive
and deadly me laissait un peu circonspect. Voire légèrement froid. La faute
à une discographie qui commençait quand même à sentir bon la redondance. Si la
BO du western contemplatif Gold m’avait
touché (peut-être du fait du format réduit, plus digeste), le diptyque
soporifique Angels of darkness, demons of
light m’avait lui vraiment fait prendre mes distances. C’est con mais c’est
comme ça, il en suffit parfois de peu pour faire perdre l’attention. Mais là
j’avoue, je me flagelle : oubliez les lignes ci-dessus. Le
bluesman-sorcier d'Olympia est de retour. Et il est putain d’inspiré.
D’abord il y a la
pochette. C’est important une pochette, c’est après tout le premier contact
qu’on a avec un skeud, alors autant que ça soit soigné. Ça l’est, avec un très
chouette collage photo qui fleure bon le psychédélisme vintage et le clin d’œil
à Black Sabbath (vous l’avez ? Mais si : les tons mauve/orangé, le
lac, la sorcière, toussa…). Alors on pose la galette noire sur plateau
tournant, on fait glisser le saphir dans le sillon et…
OH PUTAIN, DE LA
SATURATION !!!
Il l’a fait ! Après
dix ans de quasi dictature du son clair il a ressorti ses pédales de disto !
Et on commence avec un gros riff stoner gras, lourd, qui nous renvoi direct à Pentastar. Fuck yeah !
C’est donc un « Torn
buy the fox of the crescent moon » massif qui pose ses roubignoles sur la
table et nous rappelle que Earth c’est avant tout un groupe de rock…. mais pas
que. On a un peu tout en quelques minutes : du riff bluesy saturé, les
structures répétitives, les petites variations et arrangements psychés qui
débarquent peu à peu, complexifient un titre au premier abord très simple et
nous emmènent tout en planant vers… le deuxième morceau, le suave
« There’s a serpent coming » déjà plus Hexien où Mark Lanegan vient donner de la voix. On retrouve là tout
le blues aride qui a rendu Earth mythique, mais réactualisé, mélangé à de
nouveau éléments, ressuscité.
Et c’est là l’alchimie
qui fait que Primitive and deadly est
un grand disque. Ce n’est pas un retour aux sources facile ou opportuniste.
C’est une synthèse et un renouvellement en même temps. Dylan Carlson a retrouvé
ses racines électriques et les a parfaitement mélangées au tournant blues
éthéré des années 2000. Et il y rajoute de nouveaux éléments de-ci de-là
(apport inestimable de Randall Dunn au clavier, de Lanegan ou Rabia Shabeen au
chant etc.). Tout l’album nous fait encore voyager à travers cette Amérique
maudite et fascinante, cet Ouest sauvage qui attire l’homme et le tue, cette
contrée à la fois terriblement réelle dans sa dureté et presque onirique et
irréelle dans la façon dont elle a été mythifiée. Mais le temps a avancé sur la
carrière du groupe et il nous présente aujourd’hui un son renouvelé, synthèse de
tout ce qu’il a fait par le passé et remodelage en même temps. Retour de la
lourdeur sonore, sans jamais sacrifier la profondeur à la fois ombrageuse et
onirique qui fait la personnalité du groupe.
Comme quoi il ne faut
jamais préjuger de rien ni enterrer trop vite les grands artistes. L’homme en
avait encore beaucoup sous la pédale et il le prouve magnifiquement avec un
album tout simplement somptueux. Son meilleur depuis Hex, sans conteste. Et ,qui sait ?, peut être un nouveau point
de départ pour les années à venir et un nouveau souffle dans une carrière aussi
discrète qu’exceptionnelle. On peut bien rêver, après tout c’est aussi un peu
les rêves des hommes qui ont construit l’Ouest…