dimanche 20 septembre 2015

Earth - Primitive and deadly



Un nouvel album de Earth c’est toujours un évènement. D’abord parce que ça n’arrive pas tous les ans, et surtout parce que c’est souvent le gage de quelque chose d’unique, tant est personnelle et profonde l’œuvre de Monsieur Dylan Carlson (j’insiste sur le « Monsieur »… si si, j’y tiens). Mais là, je ne vais pas vous mener en bateau, l’arrivée annoncée de ce Primitive and deadly me laissait un peu circonspect. Voire légèrement froid. La faute à une discographie qui commençait quand même à sentir bon la redondance. Si la BO du western contemplatif Gold m’avait touché (peut-être du fait du format réduit, plus digeste), le diptyque soporifique Angels of darkness, demons of light m’avait lui vraiment fait prendre mes distances. C’est con mais c’est comme ça, il en suffit parfois de peu pour faire perdre l’attention. Mais là j’avoue, je me flagelle : oubliez les lignes ci-dessus. Le bluesman-sorcier d'Olympia est de retour. Et il est putain d’inspiré.

 
D’abord il y a la pochette. C’est important une pochette, c’est après tout le premier contact qu’on a avec un skeud, alors autant que ça soit soigné. Ça l’est, avec un très chouette collage photo qui fleure bon le psychédélisme vintage et le clin d’œil à Black Sabbath (vous l’avez ? Mais si : les tons mauve/orangé, le lac, la sorcière, toussa…). Alors on pose la galette noire sur plateau tournant, on fait glisser le saphir dans le sillon et…

OH PUTAIN, DE LA SATURATION !!!

Il l’a fait ! Après dix ans de quasi dictature du son clair il a ressorti ses pédales de disto ! Et on commence avec un gros riff stoner gras, lourd, qui nous renvoi direct à Pentastar. Fuck yeah !

C’est donc un « Torn buy the fox of the crescent moon » massif qui pose ses roubignoles sur la table et nous rappelle que Earth c’est avant tout un groupe de rock…. mais pas que. On a un peu tout en quelques minutes : du riff bluesy saturé, les structures répétitives, les petites variations et arrangements psychés qui débarquent peu à peu, complexifient un titre au premier abord très simple et nous emmènent tout en planant vers… le deuxième morceau, le suave « There’s a serpent coming » déjà plus Hexien où Mark Lanegan vient donner de la voix. On retrouve là tout le blues aride qui a rendu Earth mythique, mais réactualisé, mélangé à de nouveau éléments, ressuscité. 

Et c’est là l’alchimie qui fait que Primitive and deadly est un grand disque. Ce n’est pas un retour aux sources facile ou opportuniste. C’est une synthèse et un renouvellement en même temps. Dylan Carlson a retrouvé ses racines électriques et les a parfaitement mélangées au tournant blues éthéré des années 2000. Et il y rajoute de nouveaux éléments de-ci de-là (apport inestimable de Randall Dunn au clavier, de Lanegan ou Rabia Shabeen au chant etc.). Tout l’album nous fait encore voyager à travers cette Amérique maudite et fascinante, cet Ouest sauvage qui attire l’homme et le tue, cette contrée à la fois terriblement réelle dans sa dureté et presque onirique et irréelle dans la façon dont elle a été mythifiée. Mais le temps a avancé sur la carrière du groupe et il nous présente aujourd’hui un son renouvelé, synthèse de tout ce qu’il a fait par le passé et remodelage en même temps. Retour de la lourdeur sonore, sans jamais sacrifier la profondeur à la fois ombrageuse et onirique qui fait la personnalité du groupe.




Comme quoi il ne faut jamais préjuger de rien ni enterrer trop vite les grands artistes. L’homme en avait encore beaucoup sous la pédale et il le prouve magnifiquement avec un album tout simplement somptueux. Son meilleur depuis Hex, sans conteste. Et ,qui sait ?, peut être un nouveau point de départ pour les années à venir et un nouveau souffle dans une carrière aussi discrète qu’exceptionnelle. On peut bien rêver, après tout c’est aussi un peu les rêves des hommes qui ont construit l’Ouest…


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