Cinq ans ! Plus de cinq ans
qu’on attendait le successeur du monumental Graves of the
archangels. Le précédent opus des grecs avait fait l’effet d’un gros
pavé gluant dans la mare fangeuse du mort-metal. Le genre de truc qui rendait
hommage aux sources et aux canons du genre tout en faisant montre d’une belle
personnalité. Et qui avait remporté un beau succès d’estime. Après ça on
pouvait attendre logiquement une suite de carrière (Seigneur que ce mot est
laid…) plus que prometteuse. Sauf que ce n’est pas tout à fait ce qui s’est
passé.
A la place on a eu droit à une
très longue attente meublée de rien. Ou presque, à peine un split famélique
avec Hatespawn dans la foulée. Et encore, Dead Congregation ne proposait que du
réchauffé, laissant les collègues faire le show. Même en rajoutant quelques
concerts de-ci de là, c’était peu. Le groupe restait dans les limbes de
l’underground alors qu’il méritait le devant de la scène.
Mais non, Anastasis and co. nous faisaient patienter pour livrer ce tant
attendu deuxième rejeton. C’est même un beau destin à la Immolation qui se
profilait : d’abord mettre tout le monde à genoux avec un premier album en
forme de « coup d’essai, coup de maître », puis disparaître pendant dix
plombes.
Mais bref, là c’est moi qui vous
fait attendre. Il est désormais là, tout beau et brillant entre nos paluches
tremblotantes de joie contenue. Alors, que vaut ce Promulgation of the
fall ? Hé bien… c’est un coup de marteau sur le crâne. Voilà.
Pour dire les choses
simplement : retour aux sources. Facile, mais en même temps c’est
exactement ça : Dead Congregation revient à la base, au mcd Purifying consecrated ground, soit un death massif, alambiqué et
étouffant. Sans fioritures, sans artifices. Sans samples également. Ah, je l’ai
bien entendue celle là, la rengaine idiote sur
« l’album a moins d’ambiance, il n’y a plus les samples de chants
grégoriens », et elle m’a bien chauffé les oreilles ! Qu’on se le
dise, ce ne sont pas les samples qui font l’ambiance d’un album, ce sont les
guitares. Les riffs putrides, les tremolos sordides, les tons décalés, les soli épileptiques
à la limite de la rupture. C’est là qu’est l’essence du death, c’est à ces
fondamentaux que revient Dead Congregation.
A ce niveau on est servi. Pas que
les riffs soient justement particulièrement catchy, au contraire. Ils sont
magmatiques, mamouthesques, suintants et tricotés ensembles avec un grand soin,
mais sans jamais être immédiatement accrocheurs. On a toujours autant de jeux
sur les larsens et dissonances diverses, et donc toujours cette même ambiance
de déréliction mentale et de profonde morbidité, comme sur les sept minutes de
délire malsain de ‘Schisma’. Ça pue la charogne. Ce n’est plus la guerre contre
les archanges, c’est la décomposition de l’esprit et de l’âme qui est mise en
musique. Elle est là, la promulgation de la chute, dans ces dégoulinades de six
cordes maudites, et dans ses imprécations textuelles qui manient toujours aussi
bien la poésie maladive et dantesque (lire par exemple le texte de ‘Nigredo’
écrit par le vieux compère Timo ‘Dauthus’ Ketola). On se regarde dans le miroir
et on ne voit qu’une épave, elle-même porte ouverte vers un enfer intérieur. Ce
disque est un cauchemar éveillé, presque épique dans son horreur.
Dead Congregation nous la jouent
donc plus que jamais à la Immolation. Dans les riffs, dans l’ambiance sombre et
suintante de déchéance qu’ils expriment. Et dans le parcours. Il aura à
l’époque fallu attendre cinq ans avant d’avoir le successeur du prestigieux Dawn of possession, et les new-yorkais avaient alors enfanté dans
la douleur un Here in after moins marquant mais plus glauque.
Même chose avec la morte congrégation, qui livre ici un opus de haute qualité
mais moins immédiat d’accès, moins impressionnant de prime abord, plus ramassé
sur lui-même. Et au final peut-être encore plus sale et étouffant. Dead
Congregation reste toujours aussi solide et prend tout son temps pour
construire son temple de boue et d’ossements, quitte à impatienter et même
décevoir ses adorateurs. Peu importe, les catacombes de Rome ne se sont pas creusées
en un jour. On espère seulement qu’à l’instar des américains cités plus haut
ils vont désormais accélérer un peu la manœuvre, et qu’on ne devra pas attendre
le prochain méfait jusqu’en 2019, le succès leur venant avant. Ils le méritent.
Bandcamp: http://deadcongregation.bandcamp.com/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire