On peut dire qu'on a eu du pot. Om en concert à Toulouse
je n'y aurais jamais cru. Ça fait très fan-boy de dire ça, mais j'assume. Comme
d'hab' on en désespérait de les voir passer au Roadburn, le festival loin, très
loin, et toujours sold-out en une heure, en se disant qu'il y avait presque
autant de chances de les voir enchaîner une tournée que de voir le grand sphinx
Ré-Harmakis se mettre à bouger, tout cachés qu'ils sont derrière leur aura.
D'ailleurs quand Kongfuzi a annoncé les dates, j'ai cru au mirage. Om à Toulouse?
En vrai? Ben ouais.
A la base c'est le temple sonore
de la Dynamo qui devait accueillir l'office. Au final ce sera le Saint des
seins. Pas que je n'aime pas cette dernière salle mais disons qu'outre une
acoustique un poil moins bonne, elle manque singulièrement de charme.
L'ambiance mi-cosy mi-garage de la Dynamo eut été plus adaptée pour Om. Mais
passons. Passons aussi, tant qu'à faire, sur la très étrange et inutile
première partie. Je vais être franc: je n'ai même pas retenu le patronyme des locaux
qui avaient la lourde tâche de chauffer la scène. Je n'ai en mémoire que des
nappes mélodiques dronisantes plus ou moins répétitives et soporifiques.
"On dirait le bruit de la mer" me glisse-t-on à l'oreille. Ouais,
sans les mouettes mais avec les basses ronflantes pour faire la corne de brume
du chalutier. On va plutôt s'exiler au dehors, le temps de se préparer pour la
suite à grand renfort de, heu, hum, d'homéopathie.
Et on y est. Mise en place
minimale pour Cisneros et ses officiants. Aucun aménagement notable sur scène,
pas de backdrop, pas de fumée, lights minimum. Sobre, très. Trop? On ne s'en
plaindra même pas, tant Om ne fait pas dans l'esbroufe. Pas besoin de tout ça.
Mais reprenons: je disais "Cisneros et ses officiants" car en plus
d'Emil Amos derrière les fûts, un troisième comparse s'est joint à eux en la
personne du guitariste/claviériste/chanteur/bidouilleur de sons Robert Aiki
Aubrey Lowe, qui apportait déjà sa touche sur God is good. Et ça y est: les amplis sont chauds, les Rickenbacker alignées sur leur rack (raaaaah!) prètes à en découdre, et la bouteille de Johnnie Walker d'Amos (seule faute de goût de la soirée) déjà entammée. Cisneros a beau se
traîner un éternel air de Droopy vaporeux (l'homéopathie, sûrement), il sait
comment s'y prendre pour rendre hommage au dieu Son. Et on va le voir.
Al Cisneros dans la transe électrique.
La première partie du set sera
plutôt heavy, avant de basculer tout doucement dans un psychédélisme de fort
bon aloi, toujours en faisant la part belle aux deux derniers albums. Nous
eûmes droit –entre autres et dans le désordre- a des versions remaniées de
"Unitive knowledge of the godhead" et "Bhima's theme",
toute la face B de God is good, mais aussi à un inédit tiré du prochain album à
sortir en juillet. Et ce "Sinaï" laisse entrapercevoir de fort belles
choses en terme d'ambiances planantes pour ce prochain opus!
Que dire de plus pour une telle
messe? Qu'on a eu droit à un concert où l'on fait très facilement abstraction
de tout ce qui se passe autour pour se couler dans le son, ce qui est la marque
des grands moments de live. On oublie tout, obnubilés par les roulements et
multiples finesses d'un Amos en très grande forme, par les infinies variations
d'un Cisneros écoeurant de technique et de feeling (une leçon de basse, tout
simplement), mais aussi envoûtés par les petites touches apportées
judicieusement par Lowe. Traficotages de sons à grands coups de pédales, effets
de gratte façon orgue (!) parfaitement placés, il nous a tout fait. Même des
interventions vocales divines, superposant ses harmoniques au dessus des
mantras de basse de Cisneros. Bluffant. Et tout ça en gardant toujours une spontanéité purement rock. Om c'est avant tout du stoner bordel, et ils ne l'oublient pas!
Et combien de temps tout cela
à-t-il duré? Hé bien… aucune idée. Vraiment. Ce n'est pas que je n'ai pas eu le
réflexe de regarder ma montre, mais qu'on perd tout simplement la notion du
temps lors d'une telle cérémonie. On ressort bluffés, admiratifs, avec en plus l'impression de petit privilège pour ce qu'on a vu/vécu. Finalement l'herbe est accessoire, car les
mantras d'Om valent à eux seuls leur pesant d'envolées mystiques. Vous allez me
dire que cela fait cliché de ressortir les mêmes termes spirituo-esotérico-patchoulis
pour Om. Je vous répondrai que non, car il est rare de voir un groupe rendre
aussi bien hommage à la déité cachée dans le son. Une expérience à vivre.