dimanche 15 avril 2012

Spite Extreme Wing - Ultra


Il y a des groupes qui ne font pas les choses comme les autres, et ils sont assez rares. Ceux qui ne se tiennent pas aux conventions et figures imposées du genre, qui ne suivent pas le mouvement mais leur propre voie. Spite Extreme Wing en sont.

Ces italiens sévissent depuis 1999, avec maintenant trois albums au compteur. C'est au dernier en date que je m'attache aujourd'hui. Vltra est sont petit nom, petit par le lettrage mais grand par ce qu'il implique. Mais d'abord un peu de latin: "ultra" dans la langue de Cicéron veut dire "au delà", "outre". Plus qu'un nom ici c'est un projet, celui de briser quelques barrières. Et ils vont le faire magnifiquement. D'ailleurs puisque l'on parle de Cicéron il est de la partie, cité par le groupe dans cette œuvre "où il est montré que toutes les choses humaines ne sont qu'un rêve". Voilà, le décors est installé. Rêve, illusion, introspection, voyage. Ce sera la substance de ce Vltra.



Si votre came c'est le black metal nordique, froid et minimaliste, ou le gros brutal qui tâche, ou l'orthodoxe-avec-samples-de-chœurs-qu'on-sait-pas-ce-que-c'est-mais-ça-fait-religieux, passez. Ou plutôt non, venez justement, mais en laissant vos idées préconçues au vestiaire. Spite Extreme Wing nous sert ici un black metal rapide et curieusement atmosphérique, progressif même, proche dans le son et l'ambiance d'un Seth période Les blessures de l'âme par exemple, mais avec une approche sonore particulière. Déjà les claviers sont remplacés par un multi effets analogique Roland Space Echo et guitare et basse sont branchées sur de la valeur sûre de chez Orange. Le vintage au service du futurisme, comme un symbole (je vais y revenir). Les compos sont  souvent relativement longues, variées, très chargées en mélodies aux accents folkloriques, et tous les textes sont chantés en italien. Une sacrée mixture qui prend très bien, grâce à un vrai travail de composition et d'organisation qui donne toute sa cohérence à l'ensemble. Les titres s'enchaînent pour former une suite de paysages, un panorama. Un vrai voyage.

C'est très fin, très travaillé, sans jamais sonner surfait ou trop produit. L'alchimie est réussi entre gros travail cérébral pour concevoir le tout et maintient d'une certaine spontanéité. C'est d'autant plus louable qu'au niveau des textes et de la réflexion apportée, ça vole assez haut. Pas de satânerie de base ni de délires identitaires/retrogrades comme hélas trop souvent dans le genre. Les italiens proposent à la place une réflexion à eux sur la place de l'esprit humain dans le temps et son rapport au monde. "Les choses humaines ne sont qu'un rêve" nous dit-on en préambule. Scipion, Ulysse, Mercure, archétypes des voyageurs et décideurs, invoqués au fil du texte pour peupler ce tableau des passions, des errements humains, des idoles qui tombent et d'autres qui s'élèvent. Avec constamment comme une invocation à vivre, c'est à dire à se surpasser soi même, au sens nietzschéen. Un pied dans le passé, les yeux vers le futur, c'est la place de Spite Extreme Wing. Entre évocation du passé et de l'héritage italien, emprunts littéraires à Rome et graphiques au symbolisme (pochette reprise du peintre russe Konstantin Juon), Spite Extreme Wing plante son drapeau, celui d'antimodernes en lutte contre le monde courant, cherchant à s'en échapper tout en en prenant part. Bref on sort largement des sentiers mille fois battus du black metal, tout en y étant farouchement établis mais de façon paradoxale, détournée. Adulte, si vous voulez.

Hélas on a plus de nouvelles du groupe, donné pour splitté depuis peu. A part une participation à une compilation éditée par Signum Martis (un rassemblement de groupes et artistes péninsulaires partageant les même idées) il n'y a pas eu de suite à ce Vltra, si ce n'est une réédition en grosse galette noire au tracklisting remanié et complétée de bonus. Réédition logiquement appelée Nec plus ultra. Ça leur va très bien.


Vltra est encore trouvable en vinyl chez le label: http://www.art-of-propaganda.de/

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