Il y a des groupes qui ne font pas les choses comme les
autres, et ils sont assez rares. Ceux qui ne se tiennent pas aux conventions et
figures imposées du genre, qui ne suivent pas le mouvement mais leur propre
voie. Spite Extreme Wing en sont.
Ces italiens sévissent depuis
1999, avec maintenant trois albums au compteur. C'est au dernier en date que je
m'attache aujourd'hui. Vltra est sont petit nom, petit par le lettrage
mais grand par ce qu'il implique. Mais d'abord un peu de latin:
"ultra" dans la langue de Cicéron veut dire "au delà",
"outre". Plus qu'un nom ici c'est un projet, celui de briser quelques
barrières. Et ils vont le faire magnifiquement. D'ailleurs puisque l'on parle
de Cicéron il est de la partie, cité par le groupe dans cette œuvre "où
il est montré que toutes les choses humaines ne sont qu'un rêve".
Voilà, le décors est installé. Rêve, illusion, introspection, voyage. Ce sera
la substance de ce Vltra.
Si votre came c'est le black
metal nordique, froid et minimaliste, ou le gros brutal qui tâche, ou
l'orthodoxe-avec-samples-de-chœurs-qu'on-sait-pas-ce-que-c'est-mais-ça-fait-religieux,
passez. Ou plutôt non, venez justement, mais en laissant vos idées préconçues
au vestiaire. Spite Extreme Wing nous sert ici un black metal rapide et curieusement
atmosphérique, progressif même, proche dans le son et l'ambiance d'un Seth période Les
blessures de l'âme par exemple, mais avec une approche sonore particulière.
Déjà les claviers sont remplacés par un multi effets analogique Roland Space
Echo et guitare et basse sont branchées sur de la valeur sûre de chez Orange.
Le vintage au service du futurisme, comme un symbole (je vais y revenir). Les
compos sont souvent relativement
longues, variées, très chargées en mélodies aux accents folkloriques, et tous
les textes sont chantés en italien. Une sacrée mixture qui prend très bien,
grâce à un vrai travail de composition et d'organisation qui donne toute sa
cohérence à l'ensemble. Les titres s'enchaînent pour former une suite de
paysages, un panorama. Un vrai voyage.
C'est très fin, très travaillé,
sans jamais sonner surfait ou trop produit. L'alchimie est réussi entre gros
travail cérébral pour concevoir le tout et maintient d'une certaine
spontanéité. C'est d'autant plus louable qu'au niveau des textes et de la
réflexion apportée, ça vole assez haut. Pas de satânerie de base ni de délires
identitaires/retrogrades comme hélas trop souvent dans le genre. Les italiens
proposent à la place une réflexion à eux sur la place de l'esprit humain dans
le temps et son rapport au monde. "Les choses humaines ne sont qu'un
rêve" nous dit-on en préambule. Scipion, Ulysse, Mercure, archétypes
des voyageurs et décideurs, invoqués au fil du texte pour peupler ce tableau
des passions, des errements humains, des idoles qui tombent et d'autres qui
s'élèvent. Avec constamment comme une invocation à vivre, c'est à dire à se
surpasser soi même, au sens nietzschéen. Un pied dans le passé, les yeux vers
le futur, c'est la place de Spite Extreme Wing. Entre évocation du passé et de
l'héritage italien, emprunts littéraires à Rome et graphiques au symbolisme
(pochette reprise du peintre russe Konstantin Juon), Spite Extreme Wing plante
son drapeau, celui d'antimodernes en lutte contre le monde courant, cherchant à
s'en échapper tout en en prenant part. Bref on sort largement des sentiers
mille fois battus du black metal, tout en y étant farouchement établis mais de
façon paradoxale, détournée. Adulte, si vous voulez.
Vltra est encore trouvable en vinyl chez le label: http://www.art-of-propaganda.de/
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