dimanche 6 mai 2012

Blood Axis - Born again (2010)


Voilà un album dont la sortie est passée curieusement presque inaperçue. Peu de promo, à peine plus de bouche à oreille et des chroniques finalement plutôt rares, surtout en français. Etrange quand on connaît l'aura et le crédit donné au groupe qui hante les tréfonds de l'indus et de la neofolk depuis 1989. Trop exigeante la musique de Blood Axis? Ou est-ce encore dû à la vague odeur de soufre que le sieur Moynihan traîne toujours derrière lui?  Incidemment cela pose la question de savoir pourquoi des groupes majeurs restent dans l'ombre alors que quantité de productions médiocres bénéficient d'une forte attention. Je ne trancherai pas, ce serait une perte de temps. Ainsi va le système. Ce qui importe c'est ce qu'un artiste a à nous dire. A donc. 


"My spirit lead me to speak of forms changed into new bodies". Les mots d'Ovide ouvrent l'album de façon fort symbolique. Parce qu'en effet si l'essence de Blood Axis reste la même, sur la forme la troupe de Michael Moynihan a fait sa mue. Toujours entouré des fidèles Robert Ferbrache et Annabel Lee (plus quelques guests de qualité comme Bobby Beausoleil), le maître de bord emmène sa barque vers de nouveaux rivages. Ceux d'une folk à forte consonance celtique, presque débarrassée de ses intonations indus des débuts, centrée sur le violon et le chant. Pas si nouveau que ça dans l'absolu si on tient compte des titres passés s'aventurant déjà sur ces territoires ("The march of Brian Boru", "Seeker"…) voir même de l'album concept élaboré avec les gus d'In Gowan Ring (The rites of Samhain). Sauf qu'ici il ne s'agit plus d'expérimentations mais bien d'un parti pris intégral. Ce n'est pas pour rien que l'album s'intitule Born again! C'est bien une nouvelle naissance que Moynihan nous offre.

Alors, quel programme pour ce Born again? De la folk, ai-je dit. Relativement épurée, portée par les guitares, violons, banjo et bodhràn, soutenue par des percussions tribales et enveloppée de très rares nappes ambiantes. Pour ceux qui se sont arrêtés à The gospel of inhumanity le changement est de taille! Fini les consonances indus, les rythmes martiaux, les samples de discours grandiloquents. Blood Axis a changé de peau. Mais en apparence seulement, car l'essence profonde du groupe reste la même: nostalgie, rejet de la décadence moderne, philosophie et toujours cette mélancolie non stérile. Et bien sûr il y a la voix de Moynihan, toujours aussi grave et profonde, captivante et intimidante. Elle fait le fil conducteur entre des titres souvent très dissemblables. Si un titre comme "The vortex", avec son long monologue porté par un piano mélancolique et répétitif, rappelle les grandes heures de "The voyage", "Madhu", "The path" ou "Churning and churning" sont plus accessibles, courts et mélodiques, tout en restant très travaillés et profonds, même si de façon subtile. Bref rien n'est renié. Blood Axis ne fait pas de compromis, il ne fait que changer son fusil d'épaule pour aborder son propos sous un angle nouveau. Et cette épure sonore convient pour le coup parfaitement à la poésie dégagée. Une évolution.

Fidèle à sa tradition, Blood Axis laisse une part aux belles lettres pour ce qui est des textes. Ovide et ses Métamorphoses donc, Herman Hesse (pour la mise en musique du très beau poème "Erwachen in der nacht"), Herybert Menzel repris par Miguel Serrano (référence tout sauf innocente mais que voulez-vous, on ne se refait pas), mais aussi plusieurs auteurs médiévaux anonymes. Moynihan s'efface vraiment derrière ses références et signe de lui même peu de textes. Avec toujours les mêmes obsessions qui reviennent: le temps, la vie, la mort.

La mort, voilà le pivot central de l'album. La mort et la renaissance. Born again est un voyage au sein de la nuit de l'âme, mais pas un voyage sans retour. Au contraire. C'est un voyage initiatique qui s'ouvre à nous: découverte, sacrifice, échec et chute, désespoir et accomplissement, multiples étapes de ce périple qui s'appelle l'existence. Et c'est la force cyclique éternelle de cette existence qui est louée. Si "The vortex"  par exemple nous entraînent au fond des ténèbres et de la fatalité du destin, avec la gigue dansante du titre éponyme en conclusion c'est le retour du soleil qui est fêté. Le retour de la vie, de la joie d'être en vie, simplement. Une joie goûté sereinement par celui qui a parcouru les étendues sombres de l'âme et de la mort et en est revenu, laissant la peur et les tourments de l'esprit derrière lui. Le regard changé.


Avec Born again, Blood Axis a réussi un pari difficile: se recréer sans se renier, évoluer tout en gardant la même identité. Cela aurait pu être facile de pondre un Gospel of inhumanity 2, de reproduire les vieilles formules indus martiales qui ont fait le succès du groupe. Mais il faut croire que Michael Moynihan n'est pas comme ça et que le monsieur aime les défis. Ou plutôt qu'il a voulu rester intègre à ses croyances et adapter son œuvre à son discours: avancer et changer. Il l'a fait en beauté. A l'heure ou la facilité est souvent le dénominateur commun en matière de production musicale, un disque aventureux, complexe, intelligent, sensible et qui refuse obstinément le nivellement par le bas ne peut qu'être salué.

"Steep is the path but filled with light from those who climbed before me,  who left on every jutting rock  a lantern glowing with their dreams".

http://bloodaxis.com/

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