La Bretagne, terre de paysages verdoyants, de patrimoine
ancestral, de bigouden ridées et… de festoches! J'ai beau avoir décidé de tirer un trait sur le Hellfest cette
année (trop cher, trop déjà vu, trop relou), le sort m'aura quand même traîné
de nouveau du côté de Brocéliande pour une escapade musicale. Au Tapette Fest
-alias Festival du Pathos- sixième du nom! Officiellement pour servir de roadie
aux membres de Malhkebre, officieusement pour m'en mettre plein les cages à
miel pendant deux jours. A part les agent actifs de l'ignominie susnommés et
les parisiens Aluk Todolo, je ne connais rien des artistes présents à
l'affiche, mais les connaisseurs me disent que le Tapette Fest est un grand
n'importe quoi dont on ne ressort jamais déçu. Ok, ça roule.
En plus de dix ans d'existence,
le Tapette n'en est qu'à sa sixième édition. La faute à plusieurs césures, pour
cause de difficultés diverses (financement, orga ou divers problèmes rencontrés
sur le Tapette #5 qui ont obligés à une petite pause…) et déménagements. Cette
année c'est la petite commune de Campénéac (Morbihan) qui accueille le fest.
Arrivés sur place on a vite fait
de se familiariser avec les lieux, puisque le site même (hors camping et
parking) ne tient même pas sur un demi terrain de foot. Un chapiteau-scène, une
tente-buvette, une caravane à sandwiches et un barnum-stand de merch. Plus des
toilettes sèches dans un coin et un stand de shirts et affiches sérigraphiés à
la main et on a tout ce qu'il faut. Que demander de plus qui ne serait superflu?
Un festoche à taille humaine, pour de vrai. En plus l'ambiance est vraiment à
la cool et les différents publics présents (allant du punk à chien au teufeur
en passant par tout ce qui se trouve en matière de metalleux, rocker indie,
skin, coreux etc.) cohabitent gentiment.
On aura quand même raté le début,
n'arrivant que pour voir la fin du set de France Sauvage, assez bruitiste et
péchu, mais trop peu vu pour s'en faire une vraie idée. De Will Guthrie je ne
verrai presque rien mais le peu que j'en entendrai semble bien bon, basé
essentiellement sur des soli de percussions et batterie. Pas vu Headwar non
plus, en revanche Scorpion Violente fera un effet bœuf, malgré une phase
d'adaptation nécessaire. Le duo français nous délivre une electro limite transe
par moments, mais sur le fond assez crade. Ça fait voyager tout en pulsant le
dancefloor de vibrations pas toujours complètement positives. Eux appelle ça de
la "disco pour vigiles". Une version camée d'Underworld? Ça m'y a
fait penser par moments, tout en gardant un je-ne-sais-quoi de typiquement
frenchy. Excellent mélange pour un set détonnant, un groupe qu'il me faudra
suivre. Le temps de revenir sur terre et on enquille avec les espagnols de
Rageous Intent. Soit du grind, du vrai, con comme ses pieds comme il se doit,
blastant non stop sur des morceaux ne dépassant quasiment jamais les deux
minutes mais avec quand même suffisamment de petits mid-tempi de ci de là pour
faire son effet. Du bon arrachage de tête, à défaut d'être une grande
découverte.
La fin de soirée se passera en
dévotion devant Aluk Todolo. C'est peu dire qu'ils auront livré un très bon
set, axé principalement sur des titres inédits à paraître sur le prochain
album. Quarante minutes planantes, basées sur des empilements de nappes sonores
et larsens. Il faut bien la frappe tribale et musclée du batteur Antoine
Hadjioannou pour donner à ces fils de Magma l'énergie vitale nécessaire pour
faire décoller le tout. Et on décolle avec eux, pris en transe, étourdis par
l'accumulation de collages sonores et de lignes de basse obsédantes. Paroxysme
atteint sur une version explosive du titre "March" en conclusion,
explosion libératoire d'un concert/expérience aussi passionnant que difficile à
décrire. Et encore, on se dit que dans une vraie salle avec un meilleure son et
des lumières appropriées, l'effet doit être encore plus détonnant. En tout cas,
au vu de ce qu'on a entendu et vécu, on salive d'avance pour ce nouvel album
dont les extraits dévoilés dévoilent du très bon.
Des expérimentations noise...
...et des rythmes tribaux, la magie Aluk Todolo.
Crevé tant par la route que par le
live, je zapperai volontairement Shit and Shine et Tzii, mais le peu que j'en
entendrai depuis le camping ne me donnera pas vraiment envie de me relever.
Samedi, deuxième jour. Suite à
divers impondérables (groupes annulés, en retard etc.), le running order en
prendra un coup. Certains groupes changeront de place sur l'affiche, d'autres
s'ajouteront sans avoir été annoncés, bref c'est un peu le bordel, à tel point
que par moments on ne sait plus exactement ce qui passe sur scène.
La journée débute avec un
dreadlockeux inconnu venu nous présenter un blues plutôt ténébreux. Seul à la
gratte, accords simples et voix grave, a priori rien pour sortir du lot. Sauf
que le monsieur à la bonne idée de plomber sa ziq d'effets de manche
dissonants, de samples bruitistes, et de saupoudrer le tout d'un chant très
déclamatoire vaguement halluciné. Bon mélange et une sauce qui prend bien. Le
petit parterre couché dans l'herbe devant lui fait une ovation méritée. Je
regrette de ne pas avoir retenu son patronyme.
Si un internaute charitable peut me dire qui est ce type...
C'est ensuite le derviche noise
de Chausse Trappe qui prend le relai sous le chapiteau. "Derviche
noise"? Oui oui, c'est ça. Vous prenez du rock noise vénèr' comme c'est
bien à la mode en ce moment et vous y ajoutez du violon. C'est trad' et
électrique, ça charcle et ça fait planer, c'est transe et furieusement rock en
même temps, bref c'est bon. Plus en tout cas que Noir Boy George, qui vient
ensuite. J'ai peine à décrire ce qui sonne comme de la dance vaguement J-Pop
par moment assortie de textes très décadents que ne renieraient pas Costes ou
Diapsiquir. Bref c'est sale et dérangeant derrière une façade faussement
innocente, le concept est excellent mais au final j'ai quand même eu du mal à
totalement adhérer. A retester pour voir. Love Sex Machine sera plus conventionnel
avec du gros stoner qui tâche. Massif, tout d'un bloc, limite barbare, voix
screamo monocorde et amplis Orange poussés à bloc, faut pas s'étonner si ça
déclenche quelques pits bien sentis. Basique mais très bon. Dommage juste que
la puissance dégagée ait fait sauter trois fois les plombs pendant le set,
obligeant à de frustrantes interruptions au grand dam d'un groupe qui n'en peut
mais. En tout cas ils ont remporté tous les suffrages, et c'était mérité vu la
prestation. Un peu trop répétitif pour me passionner sur disque mais je les
reverrai sur scène avec plaisir. Zed par contre j'éviterai. Je n'ai rien contre
le free jazz, à condition que ce soit bien fait. Hors avec un batteur à la
ramasse et un saxo et une guitare en roue libre, ça sent le grand rien. Limite
l'imposture même, tant leur musique ne dégage rien d'autre qu'un profond
sentiment de vacuité. N'est pas John Zorn qui veut.
Je zapperai plusieurs groupes
suivants pour raison d'aide logistique aux Malhkebre, ne voyant que le set des
anglais Trans/human depuis les coulisses. Et c'est peu dire que c'est très bon!
Après un départ un peu chaotique le duo de Sheffield, qui passe pour la
première fois en France, déploie avantageusement sa noise répétitive et
mystique. Les vagues de larsens et les roulements de percus donnent une note
presque tribale à un set pourtant très électrique. De ce magma sonore fécond
ressort une ambiance transe très prenante, presque hypnotique. Excellente
découverte que voilà, pour un groupe qui mérite qu'on les suive, surtout que
les deux gars sont particulièrement modestes et accessibles à la discussion.
Chapeau à eux, et au plaisir de les revoir!
Malhkebre donnera en revanche un
set assez particulier. De prime abord on peut se demander ce qu'un groupe de
black metal aussi virulent musicalement qu'idéologiquement vient faire dans un
fest pareil. Mais c'est la magie du Tapette Fest de programmer et faire
cohabiter l'improbable, et ce finalement avec une certaine cohérence. Les
toulousains en tout cas livreront un set brutal comme ils en ont l'habitude,
blastant furieusement leur black chaotique (qui me fait toujours repenser à
Antaeus pour ses parties les plus intenses) assortis des passages doomisants et
des discours martiaux de rigueur. Très bon dans l'ensemble, mais avec un
étrange sentiment de décalage dû au lieu et au public. Voir des teufeurs en
pleine montée de MDMA pogoter sourire aux lèvres devant un groupe aussi extrême
à tous les niveaux laisse songeur. Le message est-il passé? J'en doute, mais
bon concert quand même.
Malhkebre vu côté coulisses...
Du Syndicat MMX je n'aurais pas
le temps de voir grand chose, juste de capter au vol un peu de leur indus
martiale et menaçante, lourde comme du plomb et assez oppressante. Ça avait
l'air très bien, mais j'étais pris ailleurs. Dommage. La soirée se terminera
pour moi de façon improbable devant L.E.G., soit du heavy rap bruxellois de très
bonne facture, prenant le meilleur du flow east coast assorti
d'expérimentations sonores poussant vers l'electro ou le drone. C'est catchy as
fuck, prenant, et en même temps vaguement malsain. Encore une bonne surprise,
et pourtant c'est peu dire qu'à la base le hip-hop n'est pas ma tasse de thé.
Trop cramé pour poursuivre, je
ferai l'impasse sur le hardcord furieux de Strong As Ten et la disco pop
déjantée de Duflan Duflan. Dommage mais j'ai eu déjà ma dose de découvertes,
comme tout le monde d'ailleurs. Bilan plus que positif d'un petit Fest qui
risque fort de me voir revenir pour les prochaines éditions. Et que je
recommande chaudement. Parce que voir des gens mouiller la chemise pour
organiser deux jours de grand n'importe quoi musical de haute qualité, en
totale indépendance et avec modestie, moi je dis bravo. L'orga est très bonne pour du DIY, et on reste admiratifs de voir s'enchainer avec finalement une certaine cohérence des références musicales aussi éloignées les unes des autres qu'improbables en elles mêmes. Gloire au Pathos!
c'est Koonda Hoola, le dreadlocké (pas sûr de comment ça s'écrit exactement en revanche)
RépondreSupprimeroui c'est ça, Koonda Holaa! merci beaucoup!
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