C’est un petit site oublié, perdu
en plein cœur du Minervois. Pays de collines et de pinèdes, d’apparence aride
et pourtant curieusement chaleureux. Les étendues de vignes sont autant de
marques d’apprivoisement de cette nature revêche, et de loin en loin les vieux
villages de pierre s’accrochent à la terre comme des lichens sur un tronc
cramoisi. Belle et sauvage terre au nord de Carcassonne dont le soleil et le
vent se disputent l’âme, où le temps marque une pause.
Au début d’un chemin, le panneau
indique la voie : Mourral des morts. La marche se fait à rythme
tranquille, entre collines et petits bois. Le terrain est légèrement accidenté,
assez pour renforcer le caractère sauvage des lieux sans être exigeant.
Surtout, le vallonnement et les incessantes bifurcations font vite perdre le
sens de l’orientation. Sans repères, c’est un autre monde que l’on pénètre. Un
autre pays et un monde intérieur, l’excursion se fait cheminement sacré, la
détente devient méditation.
Et le Mourral surgit soudain sous
nos pieds. Au détour du chemin on met d’un coup presque le pied sur la première
tombe. Le site s’étale sur une petite superficie à flanc de colline, une
cinquantaine de tombes environs disposées là au milieu de nul part. Toutes ou
presque tournées vers le Levant. L’endroit est empreint d’un calme irréel qui
détonne presque avec le reste de la région. Si le Minervois est un pays rêche
mais paisible, le Mourral en lui-même est un espace de vide, d’attente. Un lieu
complètement à part.
Surgissant du sol, reposant sous
quelques pins, les sépultures vides sont elles mêmes comme en attente.
Certaines reposent à fleur de terre, d’autres imposent leur carrure granitique
au relief. Une plus importante, cernée d’un muret de pierres parfaitement
conservé, domine la nécropole de sa présence massive, alors qu’à un jet de
pierre quelques trous plus petits, discrets, bien alignées, rappellent que des
enfants aussi ont connu ici leur dernier sommeil. Après l’atmosphère presque
abstraite de la marche, cela sonne comme un rappel de la profonde humanité qui
emplit ce lieu.
La nécropole de Villarzel a été
utilisée par les Wisigoth de la région aux VIème et VIIème siècles. Elle fut
redécouverte dans les années 70 par l’archéologue amateur Louis Giraud, qui y
consacra plusieurs riches campagnes de fouilles. Outre les squelettes bien
conservés, les tombes livrèrent une importante moisson d’objets : vases,
bijoux, couteaux, objets religieux… le site est riche et reconnu, et le simple
dépôt de stockage de Louis Giraud à Villarzel-Cabardès s’est transformé en musée.
Et l’on se pose la
question : pourquoi ici ? Est-ce justement l’étrange paix du lieu qui
a poussé les Wisigoth de la région à y ensevelir leurs morts ? D’où
venaient exactement ces hommes et femmes, dont on n’a pas encore retrouvé les
habitations ? Des alentours ou de plus loin ? Les fouilles n’ont pas
encore livré tous les secrets du Mourral, qui préserve encore son mystère. Et
reste imperméable au temps qui passe, détaché du monde des vivants, immobile
dans son écrin de nature sauvage, les tombes dressées contre le vent et le
ciel.
Pour se rendre au Mourral,
prendre l’autoroute A61 en direction de Carcassonne. Prendre la sortie 24 vers
Trèbes et de là suivre la D135
en direction de Laure Minervois. Prendre ensuite la D35 en direction de Villarzel-Cabardès
et s’arrêter au château de Villarlong. De là suivre le chemin de randonnée
partant de derrière l’édifice. Et suivez bien les balisages (triangles
bleus) !
Le musée de Villarzel-Cabardès se
visite gratuitement mais uniquement sur rendez-vous (contacter Louis Giraud
au 04 68 77 02 11).
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